Cher Journal,
la vie est vraiment trop injuste. je suis une merveilleuse petite rate de 9 mois. il faut bien le dire, c'est l'âge auquel la beauté des ratounettes atteint son paroxysme. avant, nous sommes encore trop jeunes. après, les premières rides commencent à apparaître. je suis au mieux de ma forme, c'est certain.
je disais que la vie est injuste, et je le maintiens : ces derniers temps ont été difficiles... le 27 septembre, Tempo, le copain-chien de la Reine des rats, s'en est allé. désespérée (car je sais, elle me l'avais confié, qu'ils vivaient une liaison torride), la Reine l'a suivi deux jours après. j'ai bien pleuré pendant 10 ours, refusant que ma bipède m'approche ou touche ma merveilleuse fourrure. il faut dire que cette infâme deux-pattes a osé ramené une horrible batard de la spa, un chien, même pas de race, braillard et agité, qui passe son temps à sauter dans tous les sens. et ce caprice au motif que le pauvre allait se faire piquer. et alors? je m'en moque éperdument! je ne le connaissais même pas, alors!
et puis, il a bien fallu que quelqu'un se décide à régner sur le royaume. je n'allais pas laisser l’œuvre de la Reine des Rats inachevée, et qui pouvait mieux que moi lui succéder? la gueuse Lulu? qui ne pense qu'à manger, dormir et se faire gratter le ventre? qui est admiration totale devant notre bipède et sera incapable de mener à bien la révolution "Rats Power"? la bipède nous nourrit, et nous lui faisons croire que nous la tolérons pour mieux préparer notre putsch, mais ça, la Gueuse refuse de le comprendre. et Junie des Atrides, ma propre soeur, qui s'encanaille avec la Gueuse et flatte la bipède en apprenant tour sur tour, singerie sur singerie? Madame tourne sur elle-même! Madame vient quand on l'appelle! Madame apprend à jouer au basket! Madame fait des sauts de puce!
non, vraiment, il n'y a que moi. je suis aristocratique, capricieuse, je me laisse câliner puis montre à ma bipède qu'elle n'est rien pour moi (alors que je suis tout pour elle) en l'abandonnant à la première occasion : arrivé du bipède mâle, dont l'odeur m'est beaucoup plus agréable, ou besoin impérieux de martyriser la Gueuse qui est béatement allongée les quatre fers en l'air et les yeux exorbités. ça n'est pas une tenue pour une rate, même roturière.
je disais que la vie est injuste... je le maintiens! je rêve d'un jeune mâle aux oreilles aristocratiques et je me retrouve avec cette immonde distributeur de bave, dont la queue semble avoir une vie autonome et bat en permanence la musique de je ne sais quelle rythme moderne. désolant! heureusement, il a très bien compris qui commandait, ici : lorsqu'il s'approche, je me gonfle, je hérisse mes poils et je crache comme un cow-boy. le lâche déguerpit, la queue entre les pattes. dire qu'il fait très exactement cent fois mon poids...
j'ai aussi découvert que si voulais que les hamacs soient lavés, il me suffisait de les dépendre. j'en use et j'en abuse, j'aime que tout soit propre chez moi. si la bipède les repend sans les changer, je les dépends à nouveau et les glisse entre les barreaux. je n'ai pas besoin d'en faire plus, on me donne du linge de maison digne de mon rang.
Anastasia m'a beaucoup appris et je marche sur ses pas. j'ai entendu le bipède-mâle dire que je lui ressemblait beaucoup. nous parlons du tempérament, car j'ai des oreilles aristocratiques, je suis une véritable dumbo. cela dit, la Reine avait le plus beau standart qu'on puisse imaginer. mais avec le l'âge, elle s'était adoucie et je la trouvais très tolérante avec la bipède. elles passaient beaucoup de temps, toutes les deux, et je me demande si notre Reine n'avait pas renoncé à la révolution.
cher Journal, j'entends la bipède arriver, je dois faire semblant de dormir.... à très bientôt!